« Pour la plupart des gens, tout ce qui reste au moment de la mort, c’est l’amour que nous avons ressenti pour certaines personnes et l’amour qu’elles nous ont donné. »

 

La sobriété du protestantisme me séduit. Toutes les chinoiseries en grande pompe des rites catholiques peuvent être très irritantes. J’ai été profondément ému quand j’ai visité l’église Saint-Thomas de Leipzig où Jean-Sébastien Bach a travaillé comme maître de chapelle. Cette sobriété s’accompagne parfois d’une austérité qui convient un peu moins à un Flamand. J’ai été surpris par l’œuvre de Stefan Zweig concernant la grande sévérité de Calvin à Genève : « Conscience contre violence » (1936). Je savais déjà qu’une religion pouvait devenir trop radicale et pouvait dégénérer en la plus terrible des inquisitions mais je ne m’attendais pas à ce que le calvinisme puisse montrer des traces de radicalisme. Quoiqu’il en soit, si j’étais né au nord de Moerdijk, je serais peut-être devenu un protestant décomplexé.

QUEL EST VOTRE RAPPORT À LA FOI (PROTESTANTE) ?

Pour certains, croire est une grâce qui vous tombe dessus soudainement et qui s’entretient tout au long de la vie tant par de l’attention que par la prière. Pour beaucoup, ce sont des traditions familiales et des rituels quotidiens que l’on connaît depuis l’enfance et qui finissent par s’ancrer profondément en nous. Toutefois, le fait que Dieu est amour est bien plus important que ces rituels.

Pour la plupart des gens, tout ce qui reste au moment de la mort, c’est l’amour que nous avons ressenti pour certaines personnes et l’amour qu’elles nous ont donné.

La religion qui nous a été inculquée dès l’enfance influence fortement le choix du dogme auquel on croit. Cependant, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de catholiques qui considèrent encore aujourd’hui que l’infaillibilité du pape, l’Immaculée Conception et le célibat des prêtres sont essentiels à leur foi.

Les discussions entre théologiens sont semblables à celles de juristes dogmatiques : intéressantes pour les spécialistes, impertinentes pour la plupart d’entre nous. Si elles deviennent source de fanatisme, la vie de Jésus n’offre que peu d’appui à cette croyance. En effet, Jésus ne considérait pas les lois de la religion juive comme prioritaires.

On peut espérer que les différentes religions chrétiennes se retrouveront un jour en une seule « Église » mais une telle chose semble peu probable dans un avenir proche. En tout cas, l’entente mutuelle est beaucoup plus importante aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque du schisme et des guerres de religion.

QUEL EST VOTRE TEXTE BIBLIQUE PRÉFÉRÉ ?

C’est le personnage de Jésus qui m’inspire le plus dans la foi chrétienne. On peut très bien ne pas être croyant ou, pour le moins, ne pas croire que Jésus est la révélation de Dieu sur terre mais on peut difficilement être contre le personnage historique de Jésus. Cet homme conciliait la sagesse avec la force, la non-violence et la tolérance avec la clarté.

Il est et était un homme selon mon cœur, entièrement d’amour.

La multiplication des cinq pains et deux poissons est une histoire fantastique. Un grand nombre de personnes qui ont déjà mangé à midi s’apprêtent à passer la soirée ensemble. Ces personnes sont assises en petits groupes et craignent de devoir aller se coucher sans repas. Personne n’ose ressortir les restes du repas de midi de crainte de devoir partager le peu qui leur reste. Jésus demande d’aller chercher les restes et, subitement, il y en a plus qu’assez pour chacun.

Un petit miracle se produit lorsque nous apprenons à partager et ne nous accrochons pas désespérément à nos surplus. Ce principe s’applique entre voisins, dans et entre les familles mais aussi dans et entre les pays,

dans et entre les continents. La justice distributive doit occuper une place beaucoup plus importante dans l’agenda national et international : ces dernières années ont engendré de la pauvreté.

 

QU’EST LA PRIÈRE POUR VOUS ?

Pour moi, la prière est un moment de silence. J’adore rarement. Je pense parfois aux membres de ma famille qui sont décédés avant moi. La plupart du temps, j’essaie de ne pas penser du tout afin de me retrouver moi-même grâce et après un quart d’heure de méditation.

D’APRÈS VOUS, QUELLE CONTRIBUTION LES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES (DONT LES PROTESTANTS) PEUVENT-ELLES APPORTER À NOTRE SOCIÉTÉ ?

La contribution de la religion à notre époque est assurément de soulager les besoins spirituels des gens. Le nivellement doit être combattu par l’approfondissement. Beaucoup de gens le désirent. Il vaut mieux le faire d’une manière moderne. J’entends par là pas tellement la forme mais plutôt le contenu. Le pasteur doit connaître les besoins quotidiens de ses paroissiens. Je crois fermement au rôle social et pacificateur de la religion. Les croyants chrétiens ne peuvent pas être en faveur de la violence, de la guerre, de l’exploitation ou des fortes inégalités. En ce sens, je suis très satisfait de la façon dont le pape François assure sa fonction.

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